Refédéraliser n'est pas un gros mot!

Décideurs & chroniqueursChronique

Pierre-Frédéric Nyst et Renaud Francart

Publié le lundi 09 décembre 2019 à 11h37 - Mis à jour le lundi 09 décembre 2019 à 12h24

Santé, allocations familiales, politiques d’emploi… En Belgique, l’éparpillement des compétences donne lieu à aberrations, inutiles complexités et insupportables surcoûts. Le débat sur la refédéralisation a lieu d’être.

– Chronique signée Pierre-Frédéric Nyst, président de l'UCM et Renaud Francart, conseiller.

Le terme "refédéralisation" n’apparaît pas encore dans le Petit Robert, mais fait sa place dans le milieu politique et chez les acteurs sociaux et économiques. Pourquoi ? UCM, comme d’autres, fait le constat des impacts négatifs de l'actuelle répartition des compétences sur les citoyens, les travailleurs indépendants et les chefs d’entreprise. Trois exemples…

Quatre systèmes d’allocations familiales : point de non-retour

Voilà sans doute l’une des régionalisations dont on a le plus parlé. Les allocations familiales sont désormais de la responsabilité de quatre entités : Flandre (910.000 familles), Wallonie (545.000 familles), Bruxelles (170.000 familles) et la Communauté germanophone (8.000 familles).

Quelques euros d’allocations de différence valaient-ils cette multiplication par quatre des organes publics de régulation ? Valaient-ils la scission des caisses de paiement ? Valaient-ils la mise en œuvre coûteuse de bases de données démultipliées, de sous-cadastres et la création d’un organe interrégional ? Non, bien entendu non, alors que les différences de montants, minimes, n’ont que très peu de sens, voire pas du tout.

Et nous sommes trop loin aujourd’hui dans la mise en œuvre pour envisager un retour en arrière.

Le cas des chaises roulantes…

D’autres politiques régionalisées concernent la santé, notamment le financement des maisons de repos et l’aide à la mobilité.

On peut bien s’imaginer la complexité des mécanismes de financement des places d’accueil quand un Wallon décide d’intégrer une maison de repos (et de soins) à Ostende ou Courtrai, ou quand un Flamand âgé sinstalle à Bruxelles.

Certes des accords de coopération existent, mais ils vont très vite se montrer insuffisants et n'empêcheront pas une évolution divergente de la politique de santé selon les Régions.

Notre visite récente à la Fédération des bandagistes (UPBTO) nous a donné l’occasion de prendre conscience des aberrations qui pèsent sur le travail de ces PME et travailleurs indépendants. Chacune des Régions a pris l'initiative de redéfinir les barèmes de prise en charges des béquilles, des déambulateurs… et des chaises roulantes (manuelles ou électriques). Chacun sa nomenclature !

Aujourd’hui, à Bruxelles et dans les zones « frontalières » avec la Flandre, les bandagistes ont naturellement la volonté d’assurer à leurs clients la meilleure prise en charge par l’AViQ wallonne, IrisCare bruxelloise ou par la Vlaamse Berscherming. Ils développent et présentent aujourd’hui des modèles « wallons-bruxellois » et des modèles « flamands ». Chacun son confort, chacun ses options. Très sympa dans la vitrine ! #surréalisme

L’aide à la maternité des indépendantes en sursis ?

Jusqu’où ira-t-on ? Dans la sécurité sociale des travailleurs indépendants, les congés de maternité et de paternité peuvent être complétés par l’octroi de titres services. Cette extension connaît un grand succès et convient parfaitement à la plupart des indépendantes qui ne souhaitent pas nécessairement s’absenter de leur commerce ou autre entreprise pendant plus que 12 semaines. La Caisse d’assurances sociales prend en charge la « part utilisateur » (9€) pour un maximum de 105 titres-services.

Entre-temps, la gestion des systèmes de titres-services a été… régionalisée en 2014. Certains estiment, jusqu’au Conseil d’Etat, que la Sécurité sociale fédérale ne peut plus s’appuyer sur les services à domicile régionaux pour compléter un tel congé de maternité.

Faut-il alors démonter un système efficace et apprécié ? A-t-on vraiment les moyens de démultiplier les coûts de gestion de nos institutions ? Quel bénéfice y a-t-il à compliquer encore et encore les démarches administratives et donc la vie des entreprises, des professionnels de la santé, des responsables des institutions ? N’y a-t-il pas là une réflexion à mener sur les difficultés de coordination et sur les avantages d’une répartition plus efficace des compétences et l’éventuelle refédéralisation de certaines ?

Pour UCM, c’est oui, trois ou quatre fois oui. Refédéraliser n'est pas un gros mot !