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(Crédits : Reuters)

Un bâtiment durable certifié rapporte plus, à plus de monde et plus longtemps

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OPINION. Face à l'urgence climatique, le secteur du bâtiment doit accélérer sa mue énergétique. La réglementation joue un rôle important mais ne peut pas impulser seule un véritable « virage vert » du secteur. La mobilisation des acteurs financiers pourrait provoquer cet effet de levier. Chacun doit être sensibilisé sur la chaîne de valeur partagée créée par l'amélioration des performances environnementales et sociétales d'un bâtiment. Les retours d'expérience sur les bâtiments certifiés montrent que les parties prenantes du bâtiment certifié durable[1] - de l'investisseur à l'usager final et jusqu'aux pouvoirs publics - se retrouvent dans un cercle vertueux, où la certification joue le rôle de tiers de confiance.Par Patrick Nossent, président de Certivéa.

Le secteur de l'immobilier est un secteur clé dans la lutte contre le changement climatique et l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris signé lors de la COP21. La règlementation actuelle entend soutenir cette transition. Le décret tertiaire, entré en vigueur le 1er octobre, oblige désormais les professionnels à réduire les consommations énergétiques des bâtiments de plus de 1000 m², avec des objectifs de réduction échelonnés entre 2030 et 2050.

Attendue courant de l'année prochaine, la nouvelle règlementation environnementale RE 2020 ambitionne quant à elle de généraliser les bâtiments neufs à énergie positive et bas carbone.

Mais la règlementation, aussi ambitieuse soit-elle, ne sera pas suffisante pour entraîner l'ensemble du secteur dans un « virage vert » qui permettra de s'aligner sur la « trajectoire 2°C » qui - rappelons-le - reste l'objectif à atteindre.

Adossée à la règlementation, la mobilisation des acteurs financiers pourrait tout changer. Elle nécessite une sensibilisation bien plus efficace sur la valeur ajoutée et partagée du bâtiment durable certifié

Oui, un bâtiment durable certifié peut coûter un peu plus cher. Mais il rapporte plus ! Or, la seconde partie de cette information semble ne pas avoir totalement fait son chemin.

Des bénéfices pour tous

Un bâtiment certifié durable qui répond aux attentes de ses parties prenantes en matière d'environnement, d'énergie, de santé et de confort, de qualité d'usage et d'intégration dans le territoire, crée des bénéfices pour tous. Des externalités positives matérielles et immatérielles, incontestées et pour la plupart quantifiables, qui fédèrent occupants, acteurs financiers et pouvoirs publics.

Des occupants aux acteurs financiers en passant par les pouvoirs publics, comment les bénéfices des uns profitent aux autres

Pour les occupants, l'amélioration des performances du bâtiment se traduit immédiatement par des économies de charges. En France, le dernier indice MSCI IPD montre un écart de 11 % en faveur des immeubles certifiés sur l'ensemble des charges d'exploitation, dont 16 % pour les coûts des assurances, 19 % pour le coût de l'énergie et 21 % pour les services aux occupants[2].

Productivité des collaborateurs

On identifie également des gains de confort et de productivité pour les collaborateurs. De nombreuses études démontrent la corrélation entre l'amélioration de l'environnement de travail (lumière naturelle, bruit, confort thermique, accessibilité), les capacités cognitives et le taux d'absentéisme, qui diminuerait de 10 % lorsque des bureaux ont une vue sur l'extérieur.[3]

Pour les acteurs financiers, ces bénéfices immatériels se traduisent par une attractivité accrue pour les bâtiments. Leur commercialisation est in fine plus aisée et les taux de vacance plus faibles au bénéfice des propriétaires et investisseurs.

Cette moindre exposition aux risques permet de réduire l'obsolescence des bâtiments, tant technique que réglementaire. Pour les investisseurs, cela peut induire des primes d'assurance réduites et une plus grande facilité d'obtention de prêts auprès d'assureurs et de banquiers qui ont eux-mêmes réduit leurs risques. L'anticipation des exigences réglementaires et des attentes croissantes des utilisateurs permet également de réduire les provisions pour travaux futurs et donc les charges futures qui sinon pèseraient sur les propriétaires.

Enfin, les pouvoirs publics peuvent choisir de valoriser la réduction des coûts sociétaux notamment permise par la préservation des territoires, la lutte contre la pollution, la réduction des maladies professionnelles etc. Valorisation sous la forme d'avantages fiscaux ou d'incitations à destination des professionnels qui optent pour ces solutions durables.

Dans le benchmark qu'il réalise depuis 2010, MSCI IPD étudie l'écart de performance financière entre bureaux verts et bureaux non verts haut de gamme. Fin 2018, cet écart s'élevait à 5 % en termes de valeur locative de marché, 8 % en termes de valeur vénale et 26 % en termes de rendement global.

La certification, garant de la confiance entre tous les acteurs

La mise en place de ce cercle vertueux de création de valeur nécessite une confiance de l'ensemble de la chaîne d'acteurs dans les performances des bâtiments et les bénéfices qu'ils peuvent en attendre. Il s'agit en particulier d'assurer la qualité de l'information sur les caractéristiques et les performances réelles des bâtiments. C'est la certification délivrée après des contrôles réalisés par un organisme indépendant qui va jouer ce rôle de tiers de confiance. Visible et comprise par tous, elle constitue la référence commune sur laquelle chacun peut s'appuyer pour prendre la bonne décision.

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[1] Un bâtiment durable certifié est un bâtiment dont la qualité de vie, le respect de l'environnement et la performance économique sont attestés par un organisme tiers accrédité.

[2] MSCI/IPD (2015) Indicateurs annuels IPD de l'immobilier vert en France. Performance économique et environnementale.

[3] Browning B. (2012) The Economics of Biophilia: Why designing with nature in mind makes sense.