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Plus d'un habitant sur dix a manifesté pacifiquement à Hong Kong le 8 décembre 2019 AFP/Archives - ANTHONY WALLACE

Les Hongkongais attendent une réponse de Pékin après quinze jours sans violences

Au cours des deux dernières semaines, les Hongkongais ont lancé un appel très clair au changement, à travers les urnes mais aussi dans les rues où plus d'un habitant sur dix a manifesté pacifiquement dimanche, mais la question de savoir si Pékin les écoute reste ouverte.

Lundi, le territoire semi-autonome est entré dans son sixième mois de crise politique qui a considérablement ébranlé la mégapole, habituellement paisible et stable.

Les quinze derniers jours ont été marqués par une baisse spectaculaire des affrontements entre police et manifestants et des actes de vandalisme.

L'exécutif local, aligné sur Pékin, a insisté sur le fait qu'un retour au calme était un préalable à tout dialogue constructif.

Lundi, une question était donc sur toutes les lèvres: la cheffe de l'exécutif Carrie Lam et Pékin saisiront-ils cette main tendue avant que la colère n'explose à nouveau?

"Ignorer nos voix ne fera qu'amplifier la protestation et cela aura des conséquences", a affirmé à l'AFP Bonnie Leung, figure importante de l'aile modérée du mouvement pro-démocratie.

L'accalmie a débuté à la veille des élections locales du 24 novembre, le seul scrutin dans le territoire se rapprochant le plus de la représentation directe.

Des millions de Hongkongais ont voté en faveur des candidats pro-démocratie, infligeant ainsi un sérieux camouflet aux candidats soutenus par Pékin. L'opposition a raflé la majorité dans 17 des 18 conseils de district.

- Le ressentiment demeure -

Ce résultat est venu démentir l'affirmation du gouvernement selon laquelle une "majorité silencieuse" s'opposerait aux manifestants.

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De manifestants pro-démocratie dans le quartier de Central à Hong Kong, le 8 décembre 2019 (AFP - ANTHONY WALLACE)

Et dimanche, Hong Kong a connu son plus important rassemblement depuis des mois.

Les organisateurs ont estimé à environ 800.000 le nombre de manifestants, signe tangible que le ressentiment demeure chez les 7,5 millions d'habitants de la mégapole.

Ce rassemblement, autorisé par la police --une première depuis la mi-août--, s'est déroulé de manière très pacifique.

Seuls de petits incendies ont été allumés devant deux grands tribunaux et la police a fait usage de gaz poivre pour mettre fin à une dispute.

Pour la première fois depuis mi-août, la police n'a tiré aucun gaz lacrymogène.

L'organisateur de ce rassemblement, Jimmy Sham, un des responsables du Front civique des droits de l'homme (CHRF), a estimé que la balle se trouve désormais dans le camp du gouvernement.

"Nous devons rappeler au gouvernement (de Hong Kong) que 800.000 personnes c'est toujours un nombre très, très important", a-t-il déclaré à la presse. "Carrie Lam doit écouter la demande des Hongkongais aussitôt que possible".

L'ex-colonie britannique traverse depuis juin sa crise la plus grave depuis sa rétrocession par Londres à Pékin en 1997, avec des actions quasi quotidiennes pour réclamer des réformes démocratiques ou demander une enquête sur le comportement de la police.

Aucun signe ne laisse cependant présager que Mme Lam entend accéder aux demandes des manifestants.

- Effets contre-productifs? -

Depuis sa défaite électorale, son administration s'est vaguement engagée à écouter les demandes de la population mais n'a fait aucune concession.

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Des passants lisent des graffitis en chinois réclamant "la libération de Hong Kong", non loin du quartier général dans le territoire de l'Armée populaire de libération, en marge d'une manifestation pro-démocratie le 8 décembre 2019 (AFP - Alastair Pike)

Pékin continue de la soutenir alors que sa cote de popularité est au plus bas.

La frange radicale du mouvement, qui a recours à la violence, semble avoir disparu à l'arrière-plan pour le moment.

Les manifestants les plus radicaux avaient appelé à nouvelle action de blocage de grande ampleur des transports en commun, lundi, en cas d'absence de réponse de l'exécutif. Mais cet appel est resté lettre morte.

Sur le forum en ligne LIHKG, qui sert de centre de commandement virtuel aux manifestants qui sont en première ligne, de nombreuses personnes se demandaient si perturber la vie quotidienne des Hongkongais, comme en octobre et novembre, n'avaient pas des effets contre-productifs.

L'importante vague d'arrestations de militants pro-démocratie durant ces deux mois pourrait également avoir un impact sur le mouvement.

"L'ampleur (de la violence) pourrait diminuer un peu à cause de ces arrestations massives ", a expliqué à l'AFP l'analyste politique Dixon Wong.

Un retour de la violence est cependant loin d'être exclu.

Dimanche soir, les organisateurs ont appelé les manifestants à rentrer chez eux. L'un d'eux, vêtu de noir, a enlevé son masque. "Cela fait 30 ans que vous manifestez, mais qu'avez-vous accompli?" a-t-il lancé, "nous avons encore des projets pour beaucoup de choses que nous voulons faire pour Hong Kong".