Libre cours
by Naim KAMALPar Naïm Kamal
Chakib Benmoussa que le Roi Mohammed VI vient de nommer pour présider et animer la Commission en charge du nouveau modèle de développement sait ce qu’il lui reste à faire. Faire discuter jusqu’à épuisement ses futurs partenaires au sein de la commission et jeter noir sur blanc le ferment de ce qui pourrait être le nouveau contrat social des Marocains. Pour ça il faut des qualités, beaucoup de qualités, énormément de qualités.
Chakib Benmoussa est un drôle de personnage, dans ce sens où malgré une longue carrière à des postes administratifs, techniques et économiques, il reste insaisissable. Les insaisissables sont, comme le savent pertinemment tous ceux qui se sont déjà fait ramasser, les plus dangereux, ceux qui mine de rien, qu’on n’attend pas, quoique à la longue, lui, on a fini par l’attendre, ayant été donné par les bookmakers de la chose marocaine parmi les premiers dans la shortlist des potentiels présidents de la commission que le pays attend tant. C’est que Chakib Benmoussa a tout de même derrière lui une quarantaine d’années de roulement qui soulignent plus qu’elles ne révèlent une fonctionnalité polyfacette, une sorte de joker capable de compléter toutes les mains et de donner du sens à toutes les suites.
A la suite de sa nomination, Jeune Afrique qui a de la suite dans les idées lui a consacré un article panégyrique et pour que l’hebdomadaire de Bachir Benyahmed lui joue du violon et lui tresse des lauriers dans le même temps, ce n’est certainement pas pour rien. Dès qu’on le voit, Chakib Benmoussa, on n’a pas beaucoup de peine à le visualiser en enfant en short, portant proprement son tablier d’élève quand les élèves portaient encore des tabliers, des lunettes cerclées et un cartable en cuire élimé à la main, qu’on devine en même temps doué et studieux qui quand les autres élèves jouaient les Ptitbois, mini foot des venelles de la vieille médina, lui s’adonnait aux plaisirs des équations de la tangente à prendre quand ça va mal . Mais ce n’est peut-être qu’un prisme, boite à stéréotypes comme les cancres excellent à en fabriquer sur mesure aux bons élèves. Ce polytechnicien qui a été ministre de l’Intérieur et qui est encore ambassadeur du Royaume à Paris, est l’un des ultimes survivants de ce « clan » des Ponts et Chaussées, piochés dans le ministère de l’Equipement, qui ont prospéré autour de Feu Abdelaziz Maziane Belfquih et Mohamed Kabbaj, tous deux, chacun à sa façon et pour une durée différente, des conseillers du Souverain.
Au ministère de l’Intérieur, son heure de gloire il la vit en « présidant » la dream team qui est allée faire quelques tours de négociations sur le Sahara à Manhasset, dans l’Etat de New York. A sa droite, Fouad Ali El Himma. A sa gauche, Yassine Mansouri. Et pas très loin, Taieb Fassi Fihri. Rien que ça. Son caractère excessivement discret y est certainement pour quelque chose, cependant sa mesure ce n’est pas à l’Intérieur qu’elle se déploiera, mais au Conseil Economique, Social et Environnemental auquel il va donner vie et forme.
C’est là que j’ai déniché la perle rare, le collaborateur idéal* qui pourrait me parler de Chakib Benmoussa que je ne connais pas bien ou pour être plus précis je ne connais pas du tout. Chakib Benmoussa ? Un homme hors pair, un grand homme d’Etat qui a un grand sens de la chose publique, intègre, un sens de l’écoute aigue, fédérateur, intransigeant, flexible [ce qui n’est pas antinomique NDLR,]juste, pragmatique, une vision citoyenne de l’Etat, soucieux du résultat, audacieux, libre d’esprit, sait assumer ses responsabilités, généreux, transparent… J’ai des difficultés énormes à l’interrompre dans cette suite géométrique des superlatifs… ça va, j’ai un dictionnaire des synonymes à la maison, un défaut maintenant ; s’il te plait… (un long silence), des défauts ? (un autre long silence)… Introverti, non, timide, intelligence sociale limitée (encore un long silence, plus long)… C’est tout ?
C’est tout.
*Driss Guerraoui, actuel président du Conseil de la concurrence.