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À l’Assemblée nationale, les partis d’opposition ont fait bloc contre le projet du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Jonatan Julien.La Presse canadienne, Jacques Boissinot

Acte de foi réclamé pour les «trop-perçus»

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CHRONIQUE / Il faut avoir la foi pour croire que les consommateurs québécois d’hydro-électricité épargneront 1,5 milliard $ grâce à l’adoption cette fin de semaine du projet de loi visant à simplifier le processus d’établissement des tarifs d’Hydro-Québec.

En commission parlementaire, plus tôt cet automne, les associations de consommateurs et de défense des entreprises, ainsi que la plupart des experts, ont soutenu qu’un tel retour d’argent ne se matérialiserait jamais.

L’été dernier, nous avions parlé dans ce journal de poudre de perlimpinpin pour décrire le projet de loi finalement adopté sous bâillon législatif. Le débat avait alors déjà cours depuis le printemps — depuis la présentation de la pièce législative du ministre Jonatan Julien.

La proposition gouvernementale s’appuie entre autres sur la remise en début d’année prochaine par Hydro-Québec de 500 millions $ à ses clients. Or, ces dollars, constitués du solde des «comptes d’écart», auraient de toute façon fini par être retournés aux consommateurs, a rappelé le chef libéral par intérim, Pierre Arcand, vendredi. 

Autre rappel : le projet prévoit un gel des tarifs l’an prochain, suivi d’une indexation tarifaire arrimée au taux d’inflation les quatre années suivantes. Le gouvernement calcule que ce volet fera économiser 1 milliard $ aux consommateurs. Or, rien ne dit que la Régie de l’énergie n’aurait pas autorisé des hausses en deçà de l’inflation. Elle l’a fait ces dernières années.

Ils ont fait bloc

À l’Assemblée nationale, les partis d’opposition ont fait bloc contre le projet du ministre Julien. Leurs représentants ont martelé qu’il ne permettrait nullement de retourner le «trop-perçu» de 1,5 milliard $ d’Hydro-Québec — un «trop-perçu» sur lequel la Coalition avenir Québec avait cogné fort lorsqu’elle était dans l’opposition.

Samedi, en marge du processus accéléré d’adoption, on a entendu l’affable péquiste Sylvain Gaudreault sortir de ses gonds. C’est rare. «C’est juste de la “bullshit”», a-t-il dit. Poursuivant sur sa lancée, il a même affirmé que le ministre de l’Énergie «s’est laissé embobiner comme un pauvre type dans la farine par une puissante machine qui s’appelle Hydro-Québec».

«Les fleurs en 2020, puis le pot, les quatre prochaines années», a pour sa part politiquement résumé la solidaire Ruba Ghazal à minuit quinze dimanche, tout juste après l’adoption du projet de loi.

Une honte?

Il faut distinguer le fond du projet gouvernemental comme tel du processus d’adoption par bâillon législatif. 

Samedi, les règles habituelles de l’Assemblée nationale ont été suspendues pour forcer son adoption. Une honte?

Soutenir que ce projet de loi n’aurait jamais dû exister ou qu’il aurait dû être amendé — voire scindé, comme cela a aussi été proposé —, c’est une chose. C’est même une chose tout à fait valable.

Mais après les refus réitérés par le gouvernement Legault de l’abandonner ou de le modifier fondamentalement, et après 100 heures de débats en commission parlementaire, celui-ci pouvait légitimement exiger que les députés votent. Oui, quand tout a été dit, à un moment, il faut procéder au vote final.

Les bâillons législatifs nous ramènent toujours à la question du temps de délibération parlementaire. Jusqu’où le poursuivre? Jusqu’où le pousser?

En mars 2018, avant de quitter la politique, le ministre libéral Jean-Marc Fournier avait déclaré que «l’Assemblée nationale mériterait une bonne réingénierie en termes de temps passé à la délibération». Souvent, «on est dans une délibération qui cherche simplement à étirer le temps», avait-il ajouté en visant les partis d’opposition. Il estimait que des «cadres temporels devraient être associés à des projets de loi».

Même si elle peut paraître tentante pour tout gouvernement, l’exploration de cette avenue ne conduirait qu’à restreindre encore plus les débats.

Il s’agirait d’une solution sans doute pire que la situation que l’on tenterait de corriger.

Il vaut mieux accepter le cas par cas, quitte à ce que les partis d’opposition freinent le processus législatif des quatre fers. Et qu’un gouvernement décide à un moment de recourir au bâillon, qui est un outil qui existe dans l’arsenal parlementaire.

Chacun d’entre nous peut ensuite juger des manières de faire et de l’attitude des uns et des autres.