Eric Judor, antipathiquement drôle dans "Platane"
by Romain NigitaÉric Judor retrouve son rôle de comédien insupportable dans la troisième saison de sa série autoparodique "Platane".
On ne lui fera pas le coup de la maturité, mais l'excellente troisième saison de Platane permet à Éric Judor, toujours coscénariste et réalisateur de la série, de dévoiler une facette plus apaisée de lui-même… du moins en façade! Son double télévisuel, "mythomane autocentré" embourbé dans des situations aussi humiliantes qu'hilarantes, se met cette fois en quête de bienveillance pour purifier son karma, persuadé qu'il est d'avoir été Adolf Hitler dans une autre vie! "Il a cette angoisse de payer et d'avoir plein de galères parce qu'il a été quelqu'un d'odieux avant, explique le véritable Judor. Avec l'âge, on devient plus sage, plus posé. On regarde la manière dont on a vécu."
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Politiquement incorrect
Mais ne vous attendez pas à une saison sinistre : "C'est un sujet fort de comédie! Il y a tellement de choses drôles à faire sur la peur de la mort!" La route vers la rédemption débouchera sur un projet absurde de film financé par le Vatican, et sera de nouveau pavée de lâchetés et de narcissisme. D'où un voyage chamanique au Pérou (où l'on croise Youssef Hajdi en épicier obséquieux à pleurer de rire), ou encore une première rencontre gênante avec sa fille de 10 ans.
Après avoir brocardé les petits mondes du cinéma et de la télévision dans les deux premières saisons, Éric Judor s'attaque cette fois au milieu de la publicité, qu'il connaît particulièrement bien pour avoir réalisé plus d'une cinquantaine de spots (notamment pour EDF et Conforama). Au petit écran, son personnage présente une pub exagérément raciste et scatologique permettant à l'auteur et comédien (le vrai) de défendre sa vision de l'humour, entre second degré et politiquement incorrect. L'occasion de tacler certains succès cinématographiques récents : "En France, notamment dans Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?, il y a un humour raciste décomplexé qui rit avec les clichés, mais je n'ai pas l'impression qu'il y ait du recul. Le fait que ça ait énormément de succès me questionne."
Mathieu Kassovitz joue Malotru
Le jeu de miroirs continue avec l'habituel défilé d'acteurs invités, de Laurent Lafitte à Gilles Lellouche en passant par Roland Magdane et Élie Semoun. Plus surprenant, on y voit aussi le publicitaire Jacques Séguéla, le basketteur Boris Diaw et l'aventurier Mike Horn. Mais le véritable coup de foudre professionnel d'Éric Judor aura été Florence Foresti : "Elle m'a fait savoir qu'elle aimerait participer à la série. Je ne la connaissais pas bien, et ça a été une rencontre incroyable. On s'est entendus merveilleusement bien. Elle est hilarante, c'est mon Ramzy au féminin!"
Éric Judor retrouve aussi lors de cette saison Jamel Debbouze, son camarade de jeu avec Ramzy dans la sitcom H à la fin des années 1990 sur Canal+ : "Il voulait absolument être de l'aventure. C'était inespéré : voilà des années qu'on ne se voyait plus trop. On s'était retrouvés furtivement pour le tournage du film Alad'2, mais on s'était sentis un peu frustrés parce qu'on n'avait quasiment rien à jouer ensemble. Jamel, il est surpuissant quand il a le bon texte dans les mains." Des séquences qui rendent impatient de voir se concrétiser un jour l'un des projets d'Éric Judor : "Réaliser Platane, le film : avec Ramzy et Jamel qui essaient de refaire H! Ils seraient payés par un dictateur pour rejouer un épisode, mais ça se passerait mal parce qu'ils seraient menacés de mort."
Cependant, la palme du meilleur guest de cette saison 3 revient à Mathieu Kassovitz, unique vedette à ne pas incarner son propre rôle : l'acteur reprend son personnage de Malotru, l'espion du Bureau des légendes, pour un crossover improbable dont seul Platane a le secret. De quoi se faire pardonner quelques mauvaises actions dans une ancienne vie !
Platane, saison 3***. D'Éric Judor, avec lui-même, Hafid F. Benamar, Stéphanie Crayencour, Adrianna Gradziel. Demain, 21h, Canal+.