A Birmingham, sur les traces des "Peaky Blinders", la série culte de la BBC
En hommage à la série culte de la BBC "Peaky Blinders", Challenges a assisté à un "Peaky Tour" à Birmingham
Entre 2013 et l'an dernier, le tourisme à Birmingham a augmenté de 26%. C'est "l'effet Peaky Blinders" ! Même le maire de la métropole, Andy Street, le clame. Depuis le lancement de la série culte de la BBC il y a six ans, l'histoire du gang des bas-fonds de la ville a conquis des millions de fans dans le monde (en France, c'est Arte qui la diffuse), et attiré les visiteurs par dizaines de milliers dans toute la région des West Midlands. Et comme les aventures de la famille Shelby sont aussi proposées par Netflix dans plus de 180 pays, désormais même les Américains, Australiens et Néo-Zélandais font le voyage. Les 14 et 15 septembre, un premier festival "Peaky Blinders" a été organisé à Digbeth, à l'est de Birmingham, un quartier resté dans son jus, où la pègre régnait à la fin du XIXè siècle, et où une partie du feuilleton a été tournée.
C’est aussi à Digbeth que sont organisés depuis quatre ans, trois soirs par semaine, les "Peaky Tours". Pour une cinquantaine d’euros, -le prix varie selon le conférencier-, on peut se replonger dans l’ambiance de l’époque, avec visite guidée et explications circonstanciées. Challenges a assisté à celui du mardi 3 décembre.
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"Le conférencier descendant d'un malfrat"
Comme d’habitude, rendez-vous est donné à 19 heures, dans le pub The Old Crown, un des établissements les plus anciens des environs, qui dit avoir été fondé en 1368 et avoir hébergé la reine Elizabeth 1er en 1575. Dans les deux salles contiguës réservées au groupe, du vin chaud est immédiatement servi à la cinquantaine de participants, transis par le froid glacial. La plupart viennent des environs, mais il y a aussi des Londoniens et des Irlandais, dont certains se sont offerts l’escapade en cadeau de Noël.
Ce soir-là, c’était la star du "Peaky Tour", qui officie : Carl Chinn, sexagénaire truculent, historien, journaliste à ses heures, auteur de best-sellers, spécialisé dans les gangs de Birmingham. Sa gouaille, sa moustache et son sens du spectacle font merveille. On le sent parfaitement rôdé pour faire rire l’assistance, la tenir en haleine, poser les questions qu’il faut pour donner à chacun l’impression qu’il est de plain-pied, et qu’il connaît ses "Peaky Blinders" sur le bout des doigts. Avec un accent local volontairement appuyé, il glisse d’emblée, sur le mode de la confidence, qu’il est descendant d’un des malfrats de l’époque...
"Les dames se pâment à l'évocation du beau Tommy"
Précisant que les gangs ont terrorisé la ville et défié la police non pas à partir de 1919, comme dans la série, mais entre 1870 et 1890, il présente les Shelby, famille de fiction, inspirée par des clans de gangsters qui ont œuvré, non pas dans les West Midlands, mais à Londres.
Ces dames se pâment à l’évocation de Tommy (Thomas), chef de la fratrie des tueurs, interprété par l’acteur irlandais Cillian Murphy, aussi charismatique que dangereux et ambitieux.
Reproductions de photos d’époque à l’appui, Carl Chinn précise avec délectation : "Ces hommes étaient mauvais, méchants, cruels, pervers." Il raconte comment à l’instar des Shelby, ces gangs ont fait fortune grâce au racket, à la contrebande d'alcool et de tabac et aux paris hippiques illégaux.
"Visières aveuglantes"
L’historien explique, pour les rares béotiens qui ne le sauraient pas encore, l’origine du mot "peaky blinders", (visières aveuglantes). Les criminels cachaient des lames de rasoir dans leurs casquettes et attaquaient par surprise leurs ennemis en visant le front, de façon à les aveugler avec leur propre sang. Le conférencier précise toutefois qu’on ne sait pas si cette histoire de lame de rasoirs tient de la légende ou de la réalité…
Il poursuit, évoque la guerre des gangs, les luttes entre clans irlandais, juifs et italiens. Sa présentation fourmille de détails, il fait constamment le lien avec la série, souligne combien le train a facilité la vie des pickpockets en les aidant à s'enfuir plus vite, précise les façons de se débarrasser des corps de ses ennemis assassinés.
"Des casquettes à 30 euros"
La présentation terminée, il entraîne le groupe pour une visite guidée d’environ 45 minutes, ballade dans les ruelles, le long des petites maisons de briques et des anciens entrepôts, au fil du canal. Il pointe les détails, désigne les lieux de tournage, a l’anecdote facile, l’enthousiasme entraînant. De retour au Old Crowne, Carl Chinn répond aux ultimes questions et propose des produits dérivés, en souvenir de la visite: ses livres, des mugs, des t-shirts à l’effigie de la série. Les casquettes sont vendues près de 30 euros. Quand le tour se termine, c’est la nuit noire.
Un conseil : retournez de jour à Digbeth. Un endroit plein de charme, qui aujourd’hui n’est plus le quartier de la pègre, mais celui des jeunes créateurs, patrons de start-up et artistes. Elu "le quartier le plus cool du Royaume-Uni" par Times, situé à 20 minutes à pied du centre de Birmingham, il propose des cafés, restaurants, ateliers, fresques murales et même une épicerie (Clean Kilo) où le plastique est proscrit. Et au bord du canal, là où les Peaky Blinders balancent les cadavres, la Custard Factory. Ancienne usine de crème anglaise, elle sert d’incubateur à des dizaines de jeunes, qui sont non pas des "gangsters with brains" (avec un cerveau) comme l’écrivait The Telegraph à propos des Shelby, mais des petits génies des nouvelles technologies.