Les projets de méthanisation continuent de diviser en Auvergne
Les projets de méthanisation fleurissent un peu partout en Auvergne. Un procédé dans l’air du temps… qui inquiète les riverains qui ne rejettent pas le principe… mais pas près de chez eux. Une affaire de ce type empoisonne le village d’Authezat (Puy-de-Dôme).
Personne n’a oublié l’histoire du coq Maurice qui perturbait, par son chant quotidien, les habitants des résidences secondaires de Saint-Pierre-d’Oléron. L’affaire s’était bien terminée, le tribunal de Rochefort rejetant les plaintes et donnant raison au propriétaire du coq.
Pour autant, les conflits entre urbains et ruraux, les premiers grignotant chaque année un peu plus le territoire des seconds, à la recherche de terrains moins chers et plus tranquilles, s’étendent aujourd’hui un peu partout en France, y compris en Auvergne en dépit de son image rurale. Et la cohabitation d’en devenir parfois compliquée.
L’affaire d’Authezat
Une affaire de ce type agite ainsi le petit village d’Authezat, à 25 km au sud de Clermont-Ferrand, qui a vu sa population doubler au cours des 40 dernières années (300 habitants en 1965 ; 500 en 2000 ; près de 700 aujourd’hui).
Le conflit oppose une partie de la population à Josselin Jauriat, exploitant agricole souhaitant implanter sur son exploitation une unité de méthanisation. Un projet permettant de transformer déchets agricoles et fumiers en gaz et en engrais et répondant ainsi à un souci d’économie et d’écologie.
L’idée est née en 2015, mais a mis quelque temps avant de prendre corps : « Mon projet a évolué. J’ai visité plusieurs exploitations dans le Nord et en Allemagne où la méthanisation est très utilisée. Plusieurs méthodes sont possibles et j’ai finalement opté pour une méthanisation à partir de mes pailles de maïs, de blé et de colza, avec du fumier venant de mes poulaillers et du crottin de cheval issu des centres équestres alentour ».
Odeurs limitées
L’agriculteur précise que les méthaniseurs ne produisent pas d’odeur, l’odeur venant du stockage du fumier. « Mais mon stockage se fera dans un bâtiment fermé, semi-enterré, sur un terrain entouré de haies. Il n’y a aucune raison pour que les odeurs soient plus fortes que celles de mon poulailler dont j’épandais jusque-là les fumiers sur mes terrains. Quand le méthaniseur fonctionnera, les fumiers seront conservés très peu de temps dans le bâtiment de stockage avant de passer au méthaniseur. »
Opposants
Après avoir obtenu un avis favorable du directeur départemental de la protection des populations, le 26 octobre 2018, Josselin Jauriat obtient son permis de construire de la préfecture, le 23 janvier 2019. Plus rien ne s’oppose à la construction du méthaniseur qui devrait entrer en fonction fin 2020.
Pour autant, un groupe de riverains conteste violemment le projet : « Dans un village, tout le monde sait tout d’habitude, là, on nous a tout caché. C’est un habitant qui a découvert l’affaire sur un panneau caché par la végétation… à un moment où nous n’avions plus de recours. Si nous avions connu ce projet, nous n’aurions jamais acheté cette maison à cet endroit. Elle va perdre 20 % de sa valeur ! On aurait au moins aimé être informés par une réunion publique ! »
- Ce conflit n’est pas le premier du genre, loin de là : en 2017, près de 500 articles de presse concernant des conflits autour de la méthanisation ont été analysés en Bretagne. Il en est ressorti essentiellement un manque de communication de la part des porteurs de projet, engendrant la méfiance de la population locale, engagée dans une position parfois schizophrénique : l’opinion publique se déclare favorable à la transition énergétique (que favorise la méthanisation) tout en défendant des oppositions de type « Nimby » (Not in my back yard ou « Pas dans mon arrière-cour ») : oui à ces installations… mais loin de chez moi !
La mairie impuissante
La mairie d’Authezat est restée pour sa part partagée sur le sujet : « C’est un projet de petite taille, qui ne nécessite pas d’enquête publique. Nous avons fait ce que nous devions faire : l’affichage officiel. Peut-être l’exploitant aurait-il dû mieux communiquer et peut-être que certains habitants, peu nombreux en fait, auraient-ils dû être plus mesurés : j’ai entendu parler d’explosions, d’odeurs dans le village, de circulation de camions… c’est sans doute exagéré », explique le maire, Éric Thomas.
D'autres projets, d'autres conflits
Ce conflit n’est évidemment pas le seul. Au Breuil-sur-Couze, un projet d’usine de méthanisation qui pourrait voir le jour à l’horizon 2021 inquiète les habitants. Un autre, à Hauterive (Allier), dont la construction pourrait débuter en 2020, a déclenché l’ire des riverains. Le passage du monde agricole à des méthodes plus écologiques ne semble pas aller de soi !
Arnaud Vernet