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Inauguration de la Flânerie Colbert par le président du département de la Culture et du Tourisme d'Abou Dhabi. ©Presse/The Cool Box Studio/Presse/Stéphane Maréchalle/RMN-GP

Comité Colbert, objectif Golfe

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L'organisme qui défend les valeurs du luxe français, fort de ses 84 maisons, a fait cette année des Émirats sa priorité ; façon de séduire la clientèle de toute la région.

Qu'est-ce que le luxe ? Comment fait-il sens ? Comment se démarque-t-il depuis des millénaires ? Pour y répondre avec force arguments, il faut ces jours-ci survoler un désert. Plus exactement voler au-dessus d'une petite partie d'un désert de sable partagé par les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, pour atterrir à Abou Dhabi (3,2 millions d'habitants), l'émirat le plus vaste et le plus riche de la Fédération. L'appel du luxe s'y formalise en une visite du Louvre Abu Dhabi (2 millions de visiteurs depuis son ouverture il y a deux ans) où se tient, jusqu'au 18 février 2020, l'exposition “Dix mille ans de luxe”. Celle-ci ne retrace pas seulement son évolution à travers les millénaires; elle interroge avec son mobilier ancien, ses offrandes extravagantes, ses objets virtuoses de maisons telles que Chanel, Cartier... .

Dans ses thématiques, on reconnaît l'habileté du commissaire d'exposition Olivier Gabet à la tête du musée des Arts déco (Mad) à Paris, partenaire de l'exposition. Des 350 objets présentés, on retient des interprétations variées voire contradictoires selon les époques. Ostentatoire, expression de rareté... le luxe change de paradigme, avec ces bracelets syriens du IIIe siècle, cette selle Hermès tapissée de plumes de coq de bruyère d'un noir sombre ou bleuté, ce mobilier d'exception de Jean-Michel Frank… Tout l'intérêt de l'exposition est de ne pas circonscrire le luxe à une identité, et Olivier Gabet assume cette intention délibérée d'“exploration” entre cultures et savoir-faire. Un lien avec les Émirats ? On le trouve en introduction, avec cette perle découverte sur les côtes d'Abou Dhabi, la plus ancienne connue au monde (près de 8 000 ans). Comment ne pas retenir aussi l'écrin qu'est le projet architectural du Louvre Abu Dhabi (8 600 mètres carrés de galeries d'exposition) par Jean Nouvel ; et son merveilleux dôme ajouré (180 mètres de diamètre) qui offre au Visiteur la tentation constante d'élever le regard.

À cette exposition consacrée au luxe, les membres du Comité Colbert, 84 maisons , ont voulu faire écho en présentant leur savoir-faire à la française, un artisanat d'art non délocalisable. Trente-cinq patrons du luxe - notamment Sidney Toledano, président de LVMH Fashion Group ; Hélène Poulit-Duquesne, présidente de Boucheron ; Michel Bernardaud ; François Delahaye (groupe Dorchester) pour le Plaza Athénée ; Marc Schwartz de la Monnaie de Paris ; ou encore l'éditrice de livres rares Diane de Selliers - avaient fait le déplacement, le 12 novembre, pour l'inauguration de la Flânerie Colbert Abu Dhabi.

L'événement est placé sous le patronage conjoint de Franck Riester, ministre français de la Culture, et de Mohamed Khalifa al-Mubarak, président du département de la Culture et du Tourisme d'Abou Dhabi. Il a été décliné en deux parcours en marge de l'exposition au Louvre. Le premier, dans le mall The Galleria, reposait sur la participation de 26 maisons dans « une approche collective qu'il convient de saluer » remarque Guillaume de Seynes, directeur général d'Hermès et président du Comité Colbert, qui se félicite de l'accueil reçu sur place. Voilà l'alliance de Bernardaud et Christophe, Chanel associé au Ritz et à la Monnaie de Paris…

À cela s'ajoute le second parcours, dans la Maison des artisans, une flânerie guidée par la curiosité de découvrir les savoir-faire français juxtaposés aux savoir-faire émiratis, évitant tout artifice grâce à l'authenticité de chaque pratique. Exemple ? Les brodeuses de perles et sequins de chez Lesage et les expertes locales du tissage traditionnel Al-Sadu… La surprise fut de découvrir la courbe de l'écriture d'une star de la calligraphie locale apposée à la toile Monogram Louis Vuitton.

Abou Dhabi, un futur “hub culturel et touristique”

« L'ambassade travaille depuis des années avec le Comité Colbert qui a choisi de tenir son assemblée générale ici, à notre grande satisfaction ; ce que nous offre aujourd'hui la Flânerie Colbert est une expérience inédite qui fait formidablement écho à l'exposition qui se tient au Louvre et illustre les valeurs du luxe français ainsi que son dynamisme », se félicite l'ambassadeur de France Ludovic Pouille, à moins d'un an de l'Exposition universelle de Dubaï (2020).

L'attrait d'Abou Dhabi ? Celui d'être un futur “hub culturel et touristique”, la présence du luxe sur place est donc aussi l'intérêt de la clientèle des pays du Golfe (5 % du marché du luxe, selon Bain & Company) et indienne (à cinq heures de vol). « L 'engagement d'Abou Dhabi pour la culture est fascinant tant dans son approche que par son envergure » , estime encore Guillaume de Seynes. Nombre de présidents des maisons “Colbert” ont profité du déplacement pour voyager dans leurs filiales de la région. Ils garderont en mémoire d'Abou Dhabi le grand projet culturel sur l'île de Saadiyat, avec l'ouverture de nouveaux musées, dont Guggenheim, et celle d'une “Maison de la famille d'Abraham” réunissant les trois religions du Livre.

« L'impact de notre événement est ressenti au-delà même des Émirats, dans toute la région, avec un afflux de clientèle saoudienne, koweïtienne… », assure Élisabeth Ponsolle des Portes, déléguée générale du Comité Colbert (lire l'encadré), restée plusieurs jours sur place pour assurer des conférences. L'esprit du luxe n'est pas que flânerie.