Ligue des champions: Canal+ et beIN Sports mettent au pas la menace Mediapro
Les deux groupes de télévision ont accepté de débourser 375 millions d’euros par an pour diffuser la Ligue des champions de football à partir de la saison 2021 au nez et à la barbe de ceux qui voulaient s’emparer du marché.
by Cyril LacarrièreL’UEFA, l’instance qui gère le football européen, a octroyé les droits de la prestigieuse Ligue des champions pour les saisons 2021 à 2024. Une décision très attendue par le landerneau audiovisuel français qui remet Canal+ et beIN Sports au centre du jeu et marque le retour de TF1 sur le marché du football européen qu’il avait abandonné depuis 2015.
Il y a eu comme un retard à l’allumage mais finalement, la surprise est… qu’il n’y a pas eu de surprise. Soudain, c’est comme si les éléments perturbateurs n’avaient jamais existé. Out RMC Sport qui avait fait « all in » sur la Ligue des champions en 2017 pour marquer sa puissance d’alors. Pan sur le bec de Mediapro, le groupe sino-espagnol qui a fait une razzia sur la Ligue 1 française avec l’engagement de lui verser plus d’un milliard d’euros à partir de la saison 2020-2021. Ces deux-là devaient tout bouleverser, il n’en est finalement rien ou pas grand-chose.
Canal +, qui avait perdu ces droits il y a deux, et beIN Sports sont les deux grands gagnants de l’appel d’offres de l’UEFA. La première pourra choisir les deux meilleures affiches de chaque journée et la seconde récupère le « Lot B », qui comprend la quasi-intégralité des rencontres. Le tout, selon L’Equipe, pour 375 millions d’euros par an à eux deux. Un bon moyen de nourrir une antenne où le football manquera cruellement à partir de la saison prochaine lorsque Mediapro deviendra le diffuseur exclusif du championnat de France de Ligue 1.
Plainte contre l’UEFA. Et c’est justement Mediapro qu’il va falloir surveiller de près au cours des prochaines semaines. Si son président, Jaume Roures, a d’ores et déjà annoncé que son groupe allait déposer plainte contre l’UEFA afin de rendre publique les offres de chacun – « il y a eu une magouille », s’agace-t-il dans L’Equipe –, cet échec risque de poser la question de l’existence même d’une chaîne Mediapro indépendante pour diffuser la Ligue 1. « Roures a sous estimé la volonté qu’avaient Canal et beIN de lui nuire, confie un bon connaisseur du dossier. Les deux groupes se connaissent bien et ils avaient tout intérêt à laisser entendre aux instances européennes que leur ticket, même officieux, avait plus de gueule que Mediapro dont la place en France est totalement incertaine. »
Reste donc à savoir quelle sera désormais la stratégie de Mediapro. Jusqu’ici, son grand patron s’est toujours montré très volontariste, en annonçant qu’il réussirait à vendre des abonnements à 25 euros mensuels ou qu’il entendait diffuser sa chaîne le plus largement possible. Il va maintenant lui falloir négocier et dans une position nettement moins avantageuse que s’il avait emporté tout ou presque de la Ligue des champions. « Mediapro va exploser en vol », anticipe un patron de l’audiovisuel, certain que la réussite du nouveau venu dépendait totalement du doublé Ligue 1 - Ligue des champions.
Maxime Saada, le président du directoire de Canal +, s’est évidemment réjoui de cette victoire : « Nous sommes très heureux de pouvoir à nouveau faire rayonner la plus prestigieuse compétition européenne de football sur nos antennes et proposer à nos abonnés les deux meilleurs matchs de chaque journée. » Alors que le modèle de Canal + est largement remis en cause depuis maintenant quelques années, ce retour de la plus importante compétition de foot européen permet au groupe français de s’offrir une belle victoire médiatique. Même chose, dans une moindre mesure toutefois, pour TF1 qui s’est offert les droits de la finale de la Ligue des champions, creusant son sillon de la chaîne de l’événement.
Stratégie d’Altice. Et dans tout cela quid de RMC Sport ? Avec la perte de la Ligue des champions après celle de la Premier League, que la chaîne a tout de même rachetée à Canal +, et après n’avoir même pas participé à l’appel d’offres de la Ligue 1, c’est encore un peu de la stratégie du groupe Altice dans les contenus qui s’effondre. Au moment d’écrire ces lignes, on ne sait même pas si Altice/SFR a participé à ces enchères… Alors que restera-t-il de RMC Sport en septembre 2021 ? A moins de parvenir à négocier un accord avec Mediapro pour inclure sa future chaîne à son bouquet, la réponse pourrait bien être : pas grand-chose.
La bonne nouvelle, s’il y en a une, c’est qu’à partir de l’été prochain, SFR retrouvera des marges de manœuvre financières car si sa chaîne RMC Sport revendique 2 millions d’abonnés, le compte n’y est pas pour rentabiliser un investissement XXL. Comme souvent dans le sport, l’acquisition de ce genre de droits est davantage un enjeu de marque et de stature qu’une source de rentabilité, même si côté RMC, on assure que ces droits ont permis de motiver les Français à changer d’opérateur pour s’abonner à SFR.