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La privation sensorielle vise à isoler totalement la victime pour casser ses résistances psychologiques et le «déprogrammer», quitte à le faire sombrer dans la folie.
Photo Silverwell Films. Getty Image

«Des bourreaux aux mains propres» : déconstruction de la torture américaine

Le documentaire d'Auberi Edler décrit l'élaboration des techniques utilisées par les Etats-Unis pour torturer sans laisser de trace.

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Comment les Etats-Unis ont-ils pu imaginer et bâtir le camp de Guantánamo ? Comment certains de leurs soldats ont-ils pu se faire photographier, pouce levé, devant des prisonniers nus et terrorisés d’Abou Ghraib, en Irak ? D’où viennent les tortures dites «propres», imaginées et infligées par un pays censé être civilisé ? On pourrait croire que ces crimes, dont seuls certains exécutants de bas niveau ont eu à répondre, sont nés du traumatisme et de la sidération provoqués par les attentats du 11 septembre 2001. On aurait tort.

C’est ce que montre, précisément, en mêlant images d’archives et interviews de bourreaux et de victimes, le documentaire d’Auberi Edler. Elle explique et détaille comment les techniques de torture utilisées et justifiées au plus haut niveau, jusqu’à l’ex-secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, ont en réalité été testées dès la guerre froide et les rumeurs de «lavages de cerveau» opérées par les Soviétiques. La CIA panique encore plus lorsqu’elle observe les fausses confessions filmées de soldats américains capturés en Corée, obtenues alors qu’ils n’ont pas été battus. Les recherches s’orientent alors sur deux techniques précises : la privation sensorielle et la douleur auto-infligée. La première vise à isoler totalement la victime pour casser ses résistances psychologiques et le «déprogrammer», quitte à le faire sombrer dans la folie. Pour la seconde, pas de besoin de taper, il suffit d’interdire au sujet de bouger, pendant plusieurs heures ou plusieurs jours. La douleur est très rapidement insoutenable. Ces tortures seront à l’œuvre dans les prisons, secrètes ou non, où sont massés ceux que l’armée et les services de renseignement américains suspectent d’être des «terroristes». Peu importe d’ailleurs, comme le rappelle le documentaire, qu’elles soient inefficaces pour obtenir des informations. Elle fait juste dire à ceux qui ne savent rien ce que leurs bourreaux veulent entendre.

Des bourreaux aux mains propres, documentaire d’Auberi Edler. Arte, 57 minutes, disponible en replay jusqu’au 24 janvier.