Après l’été brûlant qui l'avait fait totalement disparaître, l’étang des Landes (Creuse) revient à la vie
Retour de l’eau, retour de la vie. L’étang des Landes revient de loin, près d’un an et demi après le début de la sécheresse qui, à son paroxysme cet été, l’a fait disparaître du paysage. Une situation marquante, si ce n’est inédite, qui a déchaîné des passions et remué bien des consciences. La valeur symbolique du site sort renforcée : ce qui était un emblème de nature protégée est devenu celui du mal qu’on peut lui faire…
On n’a pas encore observé de phénix à l’étang des Landes mais qui sait… En cette fin d’automne sur la réserve naturelle de l’Est creusois, notamment réputée pour son intérêt ornithologique, l’image de cet oiseau légendaire renaissant toujours du feu saute aux yeux. Car après l’été brûlant qui avait fini par le faire totalement disparaître fin août (notre édition du 14 août), l’étang est en train de revenir à la vie. Tout simplement grâce à la pluie.
Retour au niveau de juin dernier
Très progressivement. Un peu fin septembre et tout au long du mois d’octobre. Et surtout le dimanche 3 novembre : 50 cm en une journée, une manne providentielle ! « Cela fait longtemps qu’on n’avait pas connu un automne aussi arrosé ici », s’exclame Sébastien Bur.
Le conservateur de la réserve départementale se tient au bord de l’eau, comme d’un mirage. Les chiffres sont bien là : « l’étang est à la cote 64 cm (*), c’est-à-dire le niveau qu’il avait encore en juin, situe-t-il. À ce moment-là ça nous désolait, désormais nous nous en réjouissons?! ». Il ne faut pas bouder son plaisir de voir la courbe s’inverser, surtout au terme d’une saison qui a été très éprouvante moralement pour les personnels – l’accueil a fermé ses portes le week-end de Toussaint et rouvrira pour Pâques.
Mais il faut aussi rester prudent et mesuré : « En novembre de l’année dernière, la cote se situait entre 130 et 140 cm… Plein, elle atteint 190 », recadre Sébastien Bur. D’une centaine d’hectares normalement, l’eau n’en recouvre pour l’instant que 25 – et encore, la déclivité n’étant pas très forte, la profondeur ne dépasse guère les dix centimètres sur une large portion…
« Cela fait longtemps qu’on n’avait pas connu un automne aussi arrosé ici »
Et puis surtout, le ruisseau de l’Ermite, principal contributeur de l’étang, ne s’est pas encore remis à couler. « Les sols de la région ont été tellement mis à sec qu’il faut maintenant beaucoup de pluie pour qu’ils se gorgent à nouveau et, comme des éponges, alimentent les ruisseaux par débordement… », schématise Sébastien Bur. Jusqu’à présent en effet, l’eau qui est revenue dans l’étang ne provient que du ruissellement alentours. Mais c’est toujours ça de pris?! Et cela a suffi pour réactiver l’écosystème.
Les oiseaux sont de retour mais…
« Le lendemain des fortes pluies, dès le 4 novembre, des oiseaux sont revenus?! À cette saison il s’agissait sans doute de migrateurs. Il y a notamment eu des grues cendrées. Mais aussi beaucoup de canards, colvert, sarcelle d’hiver, souchet, siffleur… Certains ont aussi pu revenir ici alors qu’ils s’étaient réfugiés ailleurs cet été… »
Sébastien Bur parle d’une « réponse instantanée ». Mais prévient qu’il faudra attendre le retour du printemps pour vraiment cerner le phénomène. Et mesurer les impacts de cet étiage qui a été hors du commun. Qu’ils soient négatifs ou positifs. Côté négatif, les inquiétudes portent surtout sur la microfaune : libellules, coléoptères, mollusques… qui n’ont pas eu la faculté d’aller se réfugier dans d’autres zones humides et ont pu périr en masse.
… des inquiétudes pour les libellules
Pour d’autres espèces, tels les batraciens, Sébastien Bur espère qu’il ne s’agira que d’une “parenthèse” : le manque d’eau a par exemple empêché les grenouilles de se reproduire, il va donc manquer une génération. Mais elles, ont pu migrer pendant quelques mois sur un autre site et devraient désormais revenir à l’étang des Landes… Côté positif, le naturaliste confirme ce qu’il entrevoyait déjà dans la Montagne cet été : assécher le fond de l’étang aura permis de redonner « un coup de jeune à l’écosystème ».
« À l’air libre la vase se minéralise et la végétation explose. Or c’est la base de la chaîne, rappelle-t-il. La végétation oxygène l’eau et constitue une source d’alimentation pour les animaux bien sûr. Elle constitue aussi un milieu idéal pour frayer et pondre, pour se réfugier… » Les poissons, veut-on croire à la réserve, pourront donc s’en donner à cœur joie après avoir été évacués de l’étang cet été. Dès que le volume d’eau sera suffisant, ils seront réintroduits. C’est la prochaine étape du retour à la vie.
(*) Il s’agit de la hauteur d’eau mesurée à l’endroit le plus profond de l’étang, c’est-à-dire au pied du moine.
« Une sentinelle du changement climatique »
« Il faut sortir des polémiques sur la gestion pour faire de cet événement quelque chose de positif. Voir en quoi cet endroit de Creuse qui a l’air si sensible peut devenir une sentinelle du changement climatique… » Sébastien Bur, conservateur de la réserve est résolu à tirer les leçons de 2019 pour qu’une nouvelle ère s’ouvre à l’étang des Landes. L’exécutif départemental qui possède le site partagerait cette sensibilité. Résolument scientifique et constructive : le comptage, l’écoute des oiseaux, la cartographie de la végétation sont une chose, mais l’étang des Landes doit désormais être étudié dans un contexte écologique plus large…
« Au-delà de l’électrochoc, ce qu’il s’est passé cet été est symptomatique, estime le conservateur. Cela fait cinq années de suite que la situation hydrique ici est tendue, il a toujours manqué au moins un quart de la pluviométrie… »
Le naturaliste entrevoie des collaborations avec la Chambre d’agriculture, mais aussi des universitaires… Un chercheur de Rennes par exemple est déjà sur les rangs, alerté par les reportages sur l’étang des Landes qu’il a pu voir cet été. Ici l’étang photographié par avion le 4 août dernier, quelques jours avant son à-sec total.
Floris Bressy