Conférence de Tariq Ramadan dans l'Essonne : les élus locaux vent debout
by Victor-Isaac AnneCe vendredi soir, le prédicateur “frériste”, Tariq Ramadan, doit tenir une conférence sur l'islamophobie à Saint-Germain-lès-Corbeil. Opposés à sa venue, le maire de la commune et la députée de la circonscription en ont référé à la préfecture.
Pas une semaine ne se passe sans que Tariq Ramadan ne se rappelle à notre souvenir. Ce vendredi, à l’invitation de la librairie islamique Al Bouraq (du nom de la monture ailée du prophète), le prédicateur suisse doit animer une conférence sur le thème "Face à l’islamophobie et aux injustices : Résister avec foi et intelligence", à Saint-Germain-Lès-Corbeil dans l’Essonne.
Si cette annonce enthousiasme ses zélés sectateurs, elle inquiète en revanche les élus locaux. Au point que le maire divers droite de la commune, Yann Petel, en a référé à la gendarmerie et à la préfecture afin d’interdire cette manifestation. L’édile a été prévenu de la venue de l’islamologue par une association de victimes de violences faites aux femmes. « Nous ignorions qu’un tel événement aurait lieu sur notre commune avant qu’une association ne nous en avise. S’en sont suivis un grand nombre de mails d’indignation face à la tenue de cet événement. Aussi, ai-je transmis ces informations à la préfecture. »
Le maire rappelle néanmoins que ce n’est pas en qualité de censeur mais de représentant de l’autorité municipale qu’il a agi : « Ma seule préoccupation, c’est que l’ordre règne à Saint-Germain-Lès-Corbeil. Si j’ai un avis personnel sur l’individu, il n’entre pas en ligne de compte. Ce ne sont pas ses ennuis judiciaires ou ses thèses qui déterminent mon appréciation mais le risque de troubles à l’ordre public. Sur cette question, c’est à l’administration préfectorale de se prononcer. »
Députéede la neuvième circonscription de l’Essonne, Marie Guévenoux a également saisi la préfecture du département aux fins d’interdiction. La parlementaire LREM déplore que le prédicateur, placé en liberté conditionnelle, puisse animer un tel colloque : « Je suis attachée à l’indépendance de la justice sans aucune réserve. Je regrette toutefois que les magistrats n’aient pas jugé utile, au vu de la gravité des faits reprochés à Tariq Ramadan, de lui interdire ce type de réunions dans le cadre de son contrôle judiciaire. »
Un Janus de l'islam
En sus des risques de troubles à l’ordre public, Marie Guévenoux s’appesantit également sur le profil de l’islamologue : « C’est un champion du double discours, notamment sur la question de l’égalité des sexes, qui est mis en examen dans le cadre d’affaires de viol. » Des éléments qui n’ébranlent pas la créance des fidèles du théologien. Mis en examen pour deux viols, visé par cinq plaintes en France et en Suisse, ce Janus de l’islam jouit toujours d’un magistère intellectuel et moral auprès d’une large partie de la population musulmane. Aussi, la député craint-elle que l'audience dont-il bénéficie ne consacre une forme de réhabilitation du personnage et n'inhibe la parole de potentielles victimes : « Il y a un risque qu'elles se murent dans le silence », explique-t-elle.
À la question de savoir si une interdiction ne serait pas constitutive d’une entrave à la liberté d’expression, la député LREM oppose cette interrogation rhétorique : « Si la liberté d’expression doit rester une liberté fondamentale, n’est-il pas curieux de l’accorder à ceux qui la menacent ? » Comme le rappelle néanmoins icelle, c’est à la préfecture d’apprécier en dernier instance l’opportunité d’une interdiction.
Une évaluation continue des risques de troubles à l'ordre public
Contacté jeudi, le cabinet du préfet poursuit son évaluation de risque de trouble à l’ordre public entourant cette manifestation : « En l’état, les risques apparaissent maîtrisés et n’imposent pas, à ce stade, d’interdire cette conférence qui n’est, par ailleurs, pas soumise à autorisation. » Cela étant, l’autorité préfectorale assure maintenir son dispositif d’évaluation vendredi pour confirmer ou infirmer cette appréciation.
Autrement dit, sauf risque élevé de débordements durant ou en marge de la conférence de l’islamologue, celle-ci se tiendra bien ce vendredi soir à St-Germain-Lès-Corbeil. Quelle qu’en soit l’issue, cette manifestation sera vraisemblablement suivie de près en haut lieu : « D’après les informations dont je dispose, l’événement serait remonté jusqu’au cabinet du Premier ministre », croit savoir Yann Petel.
In fine, cette réunion montre toute l'industrie de Tariq Ramadan en matière de contorsion idéologique. Quand il ne s’invite pas à une réunion sur les violences faites aux femmes comme à Saint-Denis en mars dernier, il se fait aujourd'hui chantre de la lutte contre l’islamophobie, cette arme d’intimidation dont il assure le fourbissage.