Une prise de sang pour dépister un cancer ? La piste de chercheurs lyonnais

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Les études scientifiques sont de plus en plus nombreuses à mettre en avant l'existence de biomarqueurs dans le domaine de la cancérologie. Ces derniers sont en passe de révolutionner la prise en charge des cancers, car du dépistage aux choix thérapeutiques, les promesses sont très nombreuses. Il s'agit plus précisément de fragments d’ADN tumoral circulant (ADNtc), c'est-à-dire l'ADN relâché par les cellules tumorales lorsqu’elles se dégradent et qui se retrouve dans la circulation sanguine, ou encore de cellules tumorales circulantes (CTC), soit des cellules qui se détachent d'une tumeur, passent dans la circulation sanguine et qui peuvent migrer vers d’autres organes.

« Ces biomarqueurs circulent dans le sang des patients, et sont donc accessibles à partir d’une simple prise de sang, un geste médical simple, rapide, peu douloureux et économique », explique l'Institut Curie sur ce sujet. On parle même de « biopsie liquide » pour définir cette analyse de sang. C'est actuellement la recherche menée par des experts des Hospices civils de Lyon (ou HCL) qui testent un nouveau biomarqueur : la progastrine. Chez les personnes atteintes d’un cancer, cette protéine est présente à des taux beaucoup plus élevés dans le sang que chez des sujets sains, et ce quelle que soit l’origine du cancer, selon les résultats d’analyses menées sur plus de 1 200 patients atteints de 11 cancers différents.

« Des tubes de sang fournis sur le long terme peuvent faire avancer la recherche »

Des résultats encourageants mais qui doivent être confirmés pour définir avec exactitude la place de la progastrine dans la prise en charge des patients, avant que le test ne puisse être utilisé. C’est dans cette optique que l’Institut de cancérologie des Hospices civils de Lyon a lancé, en collaboration avec la société ECS Progastrin, une étude intitulée Oncopro. Celle-ci a pour objectif d'évaluer l’utilité d’un nouveau test sanguin pour le diagnostic du cancer et le suivi de l’efficacité des traitements. La progastrine est mesurée au diagnostic et tout au long de la prise en charge des patients (avant et après chaque chimiothérapie, après la chirurgie, pendant la surveillance) et ce sur plusieurs années.

En tout, 410 patients atteints de 16 cancers différents seront inclus d'ici 2021 dans l’étude, qui a été ouverte dans 16 services de cancérologie des HCL. « Il n’y a aucun risque pour le patient car on ne modifie d’aucune façon sa prise en charge. Il n’y a pas de rendez-vous supplémentaire non plus puisque la prise de sang est effectuée au moment des visites déjà programmées à l’hôpital », explique le Dr Benoit You, oncologue et coordonnateur de l’étude. « En revanche, des tubes de sang fournis sur le long terme peuvent réellement faire avancer la recherche. » Si les résultats sont concluants, cela serait une avancée majeure dans le dépistage du cancer ou le suivi de l’efficacité des traitements.

Détecter de plus en plus tôt les cas de cancer

Dans la lutte contre le cancer, la détection précoce de la maladie est essentielle. Le diagnostic s’appuie sur des examens comprenant les tests d’imagerie, l’analyse des tissus avec les microscopes, et le dosage de marqueurs tumoraux dans le sang. Malgré des programmes de dépistage de certains cancers (sein, colon-rectum, col de l’utérus), trop de cas sont encore diagnostiqués à un stade trop tardif. Un test sanguin permettrait de dépister la présence ou non d’une tumeur chez les personnes à risque. « Il y a un réel besoin d’identifier de nouveaux marqueurs tumoraux qui pourraient aider au diagnostic et au suivi de l’efficacité des traitements », concluent les chercheurs.

Mais peut-on imaginer pouvoir se passer un jour de la biopsie classique ou « tissulaire » ? Pour l'institut Curie, c'est déjà le cas dans certaines indications et cela va certainement monter en puissance dans d’autres cancers. « Mais la biopsie liquide ne remplacera jamais complètement une biopsie tissulaire qui permet, par exemple, d’étudier les relations d’une tumeur avec les tissus avoisinants, son micro-environnement », précise l'organisme. En France, les cancers de la prostate, du sein, du côlon-rectum et du poumon sont les plus fréquents. L'Institut national du cancer estime que le nombre estimé de nouveaux cas de cancer en 2018 est de 382 000, 54 % chez l’homme, 46 % chez la femme.