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Devant une agence BNP Paribas à Montpellier. (Photo d'illustration)
Photo Pascal Guyot. AFP

Affaire Helvet Immo : la procureure demande une relaxe partielle de la BNP

Considérant qu'il y a dans ce dossier des éléments à charge et à décharge pour BNP Personal Finance, la procureure de la République a laissé à l'appréciation du tribunal la décision de condamner ou non la banque.

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Au procès Helvet Immo, ces prêts immobiliers commercialisés par BNP-Personal Finance, la procureure Françoise Benezech a prononcé un réquisitoire alambiqué. La magistrate a demandé la relaxe de la banque sur certains aspects du dossier et s’en est remise au tribunal pour d’autres, suscitant la consternation dans le rang des emprunteurs, pris dans la tourmente d’un prêt consenti en francs suisses mais remboursable en euros qui les dépasse. «Faire ressortir les éléments à décharge de ce dossier, ce n’est pas être l’avocat de la BNP», a-t-elle spécifié, provoquant des sourires contenus parmi les avocats des parties civiles.

Françoise Benezech a notamment estimé que «le contrat [de prêt] comporte les éléments nécessaires pour comprendre qu’il y a un risque de change». Sous entendu, le texte mentionnait les risques de manière intelligible. Ce que contestent fermement les emprunteurs. Dans ce procès qui s’est étalé sur près de trois semaines, une vingtaine d’entre eux sont venus expliquer à la barre qu’ils n’avaient absolument pas compris les tenants et aboutissants d’Helvet Immo, dont le capital à rembourser par ses souscripteurs grimpe au rythme de la hausse du franc suisse face à l’euro sur le marché des changes.

Pour les parties civiles, «une pratique commerciale trompeuse»

Lorsqu’ils ont été démarchés pour souscrire ce prêt par des intermédiaires qui leur proposaient tout à la fois d’investir dans l’achat d’un logement à but locatif et de souscrire à un prêt Helvet Immo pour le financer, les clients de la banque disent ne pas avoir été informés des mécanismes très dangereux pour eux. Ainsi, des ménages qui ont emprunté 132 000 euros en 2008 et qui ont remboursé, depuis, 93 000 euros doivent encore aujourd’hui à la banque 158 000 euros. «Qui aurait sérieusement souscrit un tel emprunt s’il avait été parfaitement informé de tels risques ?» ont interrogé les avocats des parties civiles lors de leurs plaidoiries, estimant que BNP-Personal Finance s’était rendue «coupable d’une pratique commerciale trompeuse» avec son prêt Helvet Immo. Ce qui n’a pas convaincu la procureure, qui a donc requis la relaxe de la banque en ce qui concerne les éléments de compréhension du contrat de prêt. Pour les circonstances dans lesquelles Helvet Immo a été commercialisé, elle s’en est remise à l’appréciation du tribunal. Quoi qu’il en soit, la procureure a demandé une amende maximum de 500 000 euros pour la banque mais n’a pas évoqué l’indemnisation des 2 300 emprunteurs (sur un total de 4 655) qui se sont constitués parties civiles à ce procès «hors norme».

«C’est extraordinaire de voir le parquet exprimer une position diamétralement opposée aux réquisitions qu’il avait exprimées lors du renvoi de la banque devant le tribunal correctionnel, au terme de l’instruction judiciaire en avril 2017», a souligné en marge de l’audience Charles Constantin-Vallet, l’avocat de 1 300 des parties civiles. Une amende de 500 000 euros est considérée par lui comme dérisoire. «Le jeu en vaut la chandelle car la banque a gagné bien plus que ça avec Helvet Immo.» Pour lui, «la procureure a laissé de côté la question des emprunteurs, qui sont toujours confrontés à un prêt qui les expose à un risque financier illimité».

Des crises qui ont fait grimper la monnaie helvétique

Arrive alors la défense de la banque. Pour l’avocat de BNP-Personal Finance, Ludovic Malgrain, qui a plaidé pendant près de deux heures, il est primordial de rappeler la «séquence de constitution du prêt». L’avocat a rappelé qu’au moment de lancer Helvet Immo, la banque s’était en effet appuyée sur une relative parité prévalant jusque-là entre le franc suisse et l’euro. «Il faut se replacer dans le contexte de 2008 lors duquel la crise de l’euro était imprévisible.» C’est en effet la crise des dettes souveraine en Europe en 2010, précédée par la crise des subprimes en 2007-2008, qui va faire grimper la monnaie helvétique, considérée comme une valeur refuge, face à l’euro. Ce qui fera grimper le capital à rembourser par les emprunteurs. «C’est une inquiétude pour le client, on le comprend. Mais c’est une inquiétude aussi pour la banque. Il n’y a rien de pire pour un établissement bancaire [que] d’appréhender que les emprunteurs risquent de se retrouver dans une situation qui va compliquer la phase de remboursement du paiement.»

A la barre, au sujet du contrat de prêt et de sa compréhension pour les clients, l’autre avocat de BNP-Personal Finance, Philippe Métais, a convoqué, comme l’avait fait la procureure, la notion de «consommateur moyen». Selon lui, le consommateur moyen raisonnablement avisé avait «compris l’existence d’un risque de change». Lors de leurs plaidoiries, les avocats des emprunteurs avaient souligné que «le mot risque» ne figure nulle part dans le contrat de prêt.

Le jugement a été mis en délibéré pour le 26 février.