Charles Michel, un libéral belge rompu à l’exercice du compromis
Charles Michel, un libéral belge qui fut cinq ans Premier ministre de son pays, prend la présidence du Conseil européen, le cénacle des dirigeants de l’UE, avec la réputation d’être rompu à l’art du compromis.
Ministre à 24 ans, Premier ministre à 38, ce francophone qui aura 44 ans en décembre peut s’enorgueillir d’avoir connu une ascension politique fulgurante, après des débuts précoces dans l’ombre de son père, l’ex-commissaire européen Louis Michel.
Il a été choisi en juillet pour succéder le 1er décembre au Polonais Donald Tusk, à l’issue d’un sommet marathon qui a également désigné l’Allemande Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission.
Il fait partie de la jeune génération des leaders pro-européens aux côtés du Français Emmanuel Macron et du Luxembourgeois Xavier Bettel.
Et sera la troisième personnalité à occuper cette fonction depuis sa création en 2009, ainsi que le deuxième Belge puisque son compatriote Herman Van Rompuy exerça le premier ce mandat de cinq ans, entre 2010 et 2014.
La mission de Charles Michel s’annonce complexe dans une Union européenne en plein doute sur son avenir, ébranlée par le Brexit et la montée des populismes. Il faudra aussi qu’il retisse le lien abîmé entre Paris et Berlin.
Savoir gérer les crises exige de mettre son ego de côté et d’être en contact permanent avec les dirigeants pour bâtir les compromis en coulisses, soulignait récemment le philosophe néerlandais Luuk van Middelaar.
« La meilleure préparation est d’avoir dirigé une coalition multipartite dans son pays, Charles Michel en conviendra », a ajouté cet ex-collaborateur de M. Van Rompuy dans le journal flamand De Standaard.
De fait le dirigeant belge, avocat de profession, est rompu à l’exercice de la conciliation.
– « Marionnette » –
En octobre 2014, il a accepté de diriger une coalition de centre droit intégrant pour la première fois les nationalistes flamands de la N-VA, un parti prônant dans ses statuts l’indépendance de la Flandre.
C’était du jamais vu pour un responsable politique francophone, au point que beaucoup ont prédit un crash rapide à cette coalition « kamikaze ».
A maintes reprises, le chef du gouvernement a été accusé d’être la « marionnette de la N-VA », l’opposition lui reprochant notamment de ne jamais recadrer son secrétaire d’Etat Theo Francken, une figure de ce parti, coutumier des propos polémiques sur l’immigration.
Mais l’attelage gouvernemental – à quatre partis, avec les chrétiens-démocrates et les libéraux flamands – tient bon quatre ans.
La sortie de route survient en décembre 2018, quand la N-VA refuse d’être associée au soutien du gouvernement belge au pacte de l’ONU sur les migrations.
Conséquence: Charles Michel se retrouve à la tête d’un gouvernement privé de majorité au Parlement.
L’impasse politique perdure, aggravée par les législatives de mai qui ont encore davantage morcelé le paysage. Et fin octobre le Premier ministre cède son poste, clôturant une séquence de 20 ans à des postes de pouvoir en Wallonie ou au plan national.
– « L’agilité d’un fauve » –
Né le 21 décembre 1975 à Namur (centre), Charles Michel a rejoint à 16 ans la section jeunesse du parti libéral (Mouvement réformateur, MR) de Jodoigne, le fief de sa famille, situé le long de la frontière entre la Wallonie et la Flandre. A 18 ans, il est élu conseiller de la province du Brabant wallon.
Bon néerlandophone – une qualité qui reste rare dans le personnel politique francophone -, le jeune homme étudie ensuite le droit, notamment à Amsterdam, et s’inscrit au barreau de Bruxelles en 1998.
Un an plus tard, il est élu député fédéral et, en octobre 2000, obtient le portefeuille de ministre régional wallon chargé des Affaires intérieures et de la Fonction publique, devenant à moins de 25 ans le plus jeune ministre de l’histoire du royaume.
C’est en conquérant la tête du MR, début 2011, qu’il prend une stature nationale. Au côté de son père et de la frange « libérale-sociale » du parti, il parvient à écarter de la présidence l’homme fort des libéraux depuis plus de 10 ans, Didier Reynders, ministre des Finances à l’époque (désormais commissaire européen).
Dans son parcours, Charles Michel a eu « l’agilité d’un fauve qui sait aller chercher sa proie quand il le faut », a confié au quotidien La Libre Belgique Olivier Maingain, un libéral devenu un de ses plus coriaces adversaires.