SOCIÉTÉ
Violences faites aux femmes : au travail aussi
Les récentes affaires qui ont fait la une de l'actualité (Weinstein, Baupin, Ligue du LOL...) ainsi que les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc ont mis en lumière une triste réalité : si le premier lieu des violences envers les femmes reste le foyer, on ne peut ignorer l’ampleur des phénomènes de violences au travail. Les derniers chiffres de l'Ined viennent le confirmer.
Réalisée en 2015 auprès d’un échantillon de plus de 27 000 femmes et hommes résidant en ménage ordinaire sur le territoire métropolitain, l'enquête "Violences et rapports de genre" (Virage) constitue un outil majeur de mesure et d'analyse des violences de genre.
L'ouvrage qui en résulte (1), à paraître en mars 2020, permet d'apporter les éléments pertinents nécessaires aux réflexions en cours sur les violences, et notamment celles faites aux femmes, à travers trois domaines : dans la sphère familiale, en couple et au sein de leur activité professionnelle.
C'est ainsi qu'on apprend que, au travail, au cours des douze derniers mois étudiés, une femme sur cinq (et plus d'un homme sur sept) ayant exercé une activité professionnelle d'au moins 4 mois déclarent des faits de violences, de l'insulte aux atteintes sexuelles, des pressions psychologiques aux agressions physiques.
Des chiffres qui n'étonnent personne, alors que les récentes affaires qui ont fait la une de l'actualité (Weinstein, Baupin, Ligue du LOL...) ainsi que les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc ont mis en lumière cette triste réalité.
Violences sexuelles et sexistes
Les insultes et les pressions sont le plus couramment déclarées, et un peu plus souvent par les femmes (15 % contre 12 %), mais les violences sexuelles et sexistes sont loin d'être rares et concernent 4 % des femmes et 2 % des hommes.
Les personnes ayant déclaré des violences vivent plus souvent seules ou en situation monoparentale que les autres, en particulier les femmes atteintes par les violences sexuelles. Elles sont plus souvent en situation financière précaire et ont un état de santé moins bon, notamment lorsqu'elles ont subi des violences sexuelles avec contact.
Quelle que soit leur catégorie, les fonctionnaires déclarant des violences sont également surreprésentées (1 femme sur 5).
Qui sont les auteurs des violences ?
Les auteurs des violences au travail sont principalement de trois ordres : les supérieurs hiérarchiques, les collègues, les acteurs/actrices externes (fournisseurs, usagers, clientèle…), alors que les subordonnés sont rarement mis en cause.
Concernant les violences sexuelles et sexistes, les femmes sont victimes d'hommes de tout statut. Pour les insultes et pressions psychologiques, les auteurs appartiennent avant tout à la hiérarchie. Les hommes mettent en cause majoritairement des hommes, quel que soit leur statut ; les femmes mettent en cause une diversité d’auteurs : femmes collègues, hommes et femmes pour les acteurs externes, supérieurs hiérarchiques.
Bien que les victimes se confient, près de 3 personnes sur 10 subissent des répercussions professionnelles graves et dans 6,5 % des cas seulement, elles obtiennent réparation.
Violences dans la sphère familiale
Dans la sphère familiale, les faits de violences sont relativement fréquents pendant l’enfance et l’adolescence : près d'1 femme sur 5 (18 %) déclare en avoir subi avant ses 18 ans. Les violences psychologiques et sexuelles déclarées touchent plus les filles que les garçons, notamment les violences sexuelles (environ 6 fois plus).
En revanche, les violences physiques déclarées affectent les filles et les garçons dans des proportions similaires.
Tous les milieux sociaux sont confrontés à ces violences qui débutent très tôt : les âges médians se situent pour les faits psychologiques entre 6 et 10 ans pour les filles et entre 7 et 8 ans pour les garçons ; avant l’âge de 7 ans pour les violences physiques, un peu plus tard pour les violences physiques les plus graves ; avant l’âge de 9 ans pour les viols et tentatives de viol pour les filles, avant l’âge de 10 ans pour les garçons.
Pour les deux sexes, les violences sexuelles sont en grande majorité le fait d’hommes : principalement des hommes de la parenté (oncles, pères ou beaux-pères, frères ou demi-frères, autres hommes de la parenté) ou des hommes proches de la famille. Les violences psychologiques et physiques sont souvent commises par le père en premier lieu, par la mère en second lieu.
La majorité des personnes confrontées à ces violences se sont confiées le plus souvent à des membres de leur famille, des amis ou à leur conjoint. Les démarches judiciaires sont très rares. L’un des principaux freins à ces démarches est lié, selon les personnes enquêtées, à leur jeune âge au moment des faits.
Au sein du couple
Dans le couple, depuis 2000 (date de la première enquête nationale sur les violences envers les femmes en France) on ne note pas de baisse des violences graves déclarées par les femmes pour les 12 derniers mois. Seuls les comportements de contrôle et de jalousie non associés à d’autres formes de violence ont diminué entre 2000 et 2015.
Les violences sont particulièrement importantes pour les femmes en période de séparation (1 sur 3 déclare des violences, 1 sur 5 des violences graves ou très graves).
Après la rupture, la prévalence des faits déclarés commis par un ex-conjoint est également élevée (16 % dont près de 9 % de violences graves ou très graves) et les violences sexuelles peuvent persister, ce qui devrait alerter les pouvoirs publics.