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Centre de cybersécurité Thales en Belgique Thales

Le Cyber Campus, futur coeur nucléaire du cyber français à Paris

Soutenu par Orange, Thales, Atos, Capgemini et l’ANSSI, ce futur campus de 700 à 800 experts en cybersécurité devrait voir le jour fin 2020-2021 à Paris.

Ils sont venus, ils sont tous là. Pour montrer le soutien de la communauté cyber française au projet de Cyber Campus à Paris, le patron d’Orange Cyberdefense Michel Van Den Berghe a réuni la crème du secteur au Liberté Living Lab (2e arrondissement de Paris) jeudi 28 novembre. Tous les grands noms de la cyber ont répondu présent : les géants du secteur (Thales, Atos, Capgemini, Sopra Steria…), les start-up (Gatewatcher, Alsid, Citalid), des grands groupes comme EDF, Schneider et Siemens, des cabinets de conseil comme CEIS et Wavestone, mais aussi Guillaume Poupard, patron de l’ANSSI, l’agence de cybersécurité française, et le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O. Le message est clair : c'est tout l'écosystème de la cyber qui soutient le projet de futur campus cyber, qui  devrait rassembler dans un premier temps 700 à 800 experts (industriels, start-up, universitaires et acteurs publics), au centre de Paris ou en très proche couronne, avec un démarrage espéré dès fin 2020-début 2021. "Le projet le plus intéressant et le plus systémique du numérique en France", salue même Cédric O.

Pourquoi ce projet de campus ? "Avec ce lieu, on veut jouer la Ligue des Champions dans le cyber, assure Michel Van Den Berghe, chargé en juillet par le Premier ministre Edouard Philippe d’une mission de préfiguration du campus parisien. L’idée est de créer de l’innovation en faisant se rencontrer les acteurs du cyber, mais aussi de donner envie aux jeunes de s’engager dans les métiers du cyber. Ce ne sera pas une simple vitrine, mais un vrai lieu opérationnel." Orange compte installer sur place ses deux CERT (centres d’alerte et de réaction aux attaques informatiques), soit une centaine de personnes. Thales, Atos, Sopra Steria et Capgemini se sont également engagés à y loger des équipes. L’ANSSI, la police judiciaire et la gendarmerie devraient également y baser des troupes, de même que l’INRIA. L’école d’ingénieurs Epita y installera son centre de formation continue sur les métiers du cyber. Quant à CEIS, il compte y installer son Cyber Range (plateforme d’entraînement et de simulation cyber) Bluecyforce, développé, avec la société Diateam et aujourd'hui installée Tour Montparnasse. En tout, une vingtaine d’entreprises et d’acteurs publics ont confirmé leur participation au projet.

"Village d'Astérix 4.0"

L’idée est d’aller au-delà des querelles picrocholines entre champions français du cyber pour créer une véritable équipe de France capable de travailler sur des sujets communs : formation, exercices de crises, expérimentations technologiques. Guillaume Poupart, directeur de l’ANSSI, y croit dur comme fer. "La communauté cyber française, c’est le village d’Astérix 4.0, résume-t-il. On a tous les acteurs, ils se tapent parfois dessus, mais surtout, ils résistent encore et toujours à l’envahisseur." Celui-ci n’étant pas à chercher du côté de Rome, mais plutôt outre-Atlantique. Le géant Cisco a ainsi racheté en juin dernier la pépite française Sentryo, spécialiste de la sécurisation de sites industriels. "Il faut faire passer nos clients du rêve américain au rêve français et européen", abonde Jacques de la Rivière, PDG du champion des sondes de détection de cyberattaques Gatewatcher.

Michel Van Den Berghe assure vouloir aller vite. Comme révélé par Challenges le 21 novembre, son rapport devrait être remis à Matignon la semaine du 16 décembre, et le projet sera présenté en conseil de défense courant janvier. Une annonce officielle est espérée lors du Forum International de la cybersécurité (FIC) de Lille (28 au 30 janvier). Pour tenir l’objectif d’une entrée en service fin 2020 ou début 2021, la mission Van Den Berghe préconise de ne pas s'engager dans une longue et coûteuse construction de bureaux neufs, mais plutôt de se focaliser sur des immeubles existants, à Paris ou en proche banlieue. Les industriels et start-up militent pour un campus installé au centre de Paris, seul moyen d’attirer et de conserver des talents très recherchés. "Si je quitte le quartier des Champs Elysées et que je franchis le périphérique, je perds au moins 40% de mes troupes", rigole Jacques de la Rivière.

Modèle israélien

Michel Van Der Berghe est conscient de cette demande. "Nous avons visité la Silicon Valley russe de Skolkovo, dans laquelle la Russie a investi 10 milliards d’euros : les experts cyber n’y sont pas, ils restent au centre de Moscou", indique le patron d’Orange Cyberdefense. Les besoins du camus parisien sont estimés à 10.000 m2 dans un premier temps, extensibles à 20.000 m2. A terme, les soutiens du projet veulent voir plus grand. "Il nous faut un lieu qui nous permette de croître, plaide Marc Darmon, directeur général adjoint en charge des activités systèmes d'information et de communication sécurisés de Thales, et patron de la filière Industries de sécurité. On ne peut pas avoir l'ambition de n'être que quelques centaines à terme, il faut viser un campus de milliers d'experts."

Parmi les modèles regardés par l'écosystème français, le Cyberspark de la ville israélienne de Beer-Sheva, dans le désert de Neguev, figure en bonne place. Ce pôle d'excellence cyber, créé en 2014, rassemble l'armée israélienne, l'université Ben-Gourion, de grands industriels comme Deutsche Telekom, PayPal, Oracle, IBM, Dell EMC ou Lockheed Martin, mais aussi des VC (fonds de capital risque). L'objectif est de créer 20.000 à 30.000 emplois sur place d'ici à 2026.

Pôle rennais

Le pôle parisien, lui, n'intégrera pas d'activités liées à la défense. Les armées disposent en déjà d'un pôle d'excellence cyber à Rennes, qui monte rapidement en puissance. Un nouveau bâtiment du commandement de la cyberdéfense (Comcyber) y a été inauguré par la ministre Florence Parly début octobre. A terme, le site accueillera 800 agents du Comcyber. La région rennaise accueille déjà un gros centre de la Direction générale de l'armement dédié, entre autres, à la cyberdéfense, à Bruz, et une myriade d'industriels et de start-up du cyber. Michel Van Den Berghe assure qu'il n'y aura pas de concurrence entre les pôles parisien et rennais. "Les sujets de défense resteront centrés à Rennes", assure-t-il. Le Cyber Campus parisien, promet le patron d'Orange, travaillera en réseau avec d'autres centres d'excellence en France.