Quand le palmarès du hand féminin français ne fait pas sa visibilité
Les handballeuses de l’équipe de France s’apprêtent à défendre leur couronne mondiale alors même que leur sport souffre d’un manque de médiatisation et de soutien
by Maxime DucherAccorHotels Arena (Bercy pour les nostalgiques), le 16 décembre 2018, 14.000 personnes entament un clapping qui restera dans l’histoire du handball féminin comme une liesse improvisée après le premier sacre continental des Bleues. Un titre faisant suite à celui de championnes du monde 2017, et laissant présager un handball féminin en plein essor, à l’image des audiences de la finale de l’Euro qui a enregistré près de 6.8 millions de téléspectateurs (30 % de parts de marché) sur TF1 et BeIN Sports. Un an après, les joueuses d’Olivier Krumbholz vont tenter de conserver leur titre mondial au Japon. Une bonne occasion pour elles de se montrer aux yeux du public français, qui pourrait recommencer à se passionner.
Pourtant, depuis septembre, le hand féminin ne donne (quasiment) plus signe de vie. Finies les annonces pub de BeIN Sports, diffuseur de la Ligue féminine de handball (LFH) depuis trois ans, mais qui n’a pas reconduit son bail. Le constat est là : les Bleues gagnent, les Bleues attirent, et pourtant la visibilité du handball féminin en général diminue. Désormais, hormis les matchs de Ligue des champions de Brest et Metz et le championnat du monde qui s’annonce, la chaîne payante a lâché le bébé. Et la nouvelle nounou de la D1 se trouve être Sport en France, la chaîne gratuite du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) disponible sur les box, ainsi que La Chaîne L’Equipe pour seulement quatre petits matchs de playoffs.
Sport en France, « là pour sauver le soldat Ryan (aka la LFH) »
« C’est un pas en avant malgré les dix en arrière, regrette la joueuse de l’équipe de France Alexandra Lacrabère. Je trouve ça dommage. On gagne, on a eu un Euro en France, on arrive à remplir Bercy alors que c’est la première fois pour une équipe féminine. Maintenant, ce n’est plus de notre ressort, nous on fait notre travail sur le terrain. »
De toute manière dans l’impasse pour trouver un diffuseur traditionnel, Sport en France, qui diffuse 20 rencontres de D1 sur l'année, demeure « bien mieux que rien », pour Béatrice Barbusse. La membre du conseil d’administration de la Fédération française de handball estime qu’il faut « laisser du temps » pour que le potentiel du hand féminin soit pleinement exploité. Et que ce n’est là qu’une première étape depuis que BeIN Sports a retiré la majorité de ses jetons.
« Nous sommes une chaîne de complément, et là, il fallait sauver le soldat Ryan, explique Guillaume Sampic, directeur général de Média 365, qui produit Sport en France. En diffusant la LFH, on espère seulement que cela suscitera l’envie d’autres diffuseurs de la prendre sur leur antenne la saison prochaine. L’objectif est de maintenir à flot une ligue excellente qui remplit des salles tous les week-ends ».
Le hand deuxième sport féminin le plus regardé
Car si l’on en croit une enquête Odoxa datant de février 2019, le handball est le deuxième sport féminin le plus suivi en France (41 %) derrière… le football (52 %). Les mentalités ont fait un grand bond en avant avec le Mondial 2019 de foot féminin, en France, avec 3.5 millions de téléspectateurs en moyenne (et près de 6 millions pour la finale). Néanmoins, cette progression ne semble pas ruisseler sur les autres sports comme elle le devrait selon Allison Pineau, l’une des cadres de l’équipe de France de handball : « Malgré notre palmarès meilleur que celui des footballeuses, elles sont déjà médiatisées depuis un moment. Aujourd’hui, c’est le foot partout. Donc, c’est à nous, le handball, de comprendre aussi ce marché, que c’est un business. »
Ancienne handballeuse ayant suivi de près l’évolution du sport féminin en France, Béatrice Barbusse ne partage pas cette opinion. « Pour moi, c’est totalement impossible de comparer le football et le handball, s’agace-t-elle. Le foot est à mettre à part de tous les autres sports. Je peux vous assurer que les footballeuses ont eu bien moins de mal à trouver des diffuseurs (depuis 2011) que nous. »
Des solutions émanant de tous les niveaux
Reste alors à savoir de quelle manière le handball peut emprunter (ou non) le chemin du sport le plus populaire de la planète. Béatrice Barbusse estime que « chacun peut faire quelque chose à son niveau ». A commencer par les médias, qui ne se battent pas pour les droits de diffusion, mais aussi au niveau des joueuses. « C’est à elles de gérer leur image médiatique, poursuit-elle. Allison Pineau le fait très bien et les autres devraient s’en inspirer pour créer un cercle vertueux. Elle n’a pas attendu que cela vienne des instances du handball et c’est bien. »
Très présente sur les réseaux sociaux, l’arrière tricolore use en effet des moyens de son temps pour se faire connaître, et surtout exposer son sport actuellement en pleine remise en question. Une ancienne formule qui avait été abandonnée à cause de sa complexité va refaire surface pour le championnat du monde qui débute samedi au Japon. En (très) gros, une première phase de poules pour être qualifié dans un groupe au second tour, avant de gagner sa place pour le dernier carré. Plus obscur, tu meurs.
Un changement que l’entraîneur des Bleues, Olivier Krumbholz, regrette au vu de la conjoncture défavorable à la visibilité de son sport : « Je ne suis pas fan sur le principe, je ne suis pas sûr que les gens comprennent et ça ne va pas aider à développer le handball. » Lui se satisfaisait parfaitement de l’ancien format : « La formule de ces dernières années avait au moins la qualité de la clairvoyance. Elle ressemblait à une formule de football. Le football règne en maître donc les gens comprenaient. »
Bref, si vous aimez le hand sans être un aficionado, profitez bien de ce Mondial, si tant est qu’il soit compréhensible, où l’on, pourra au moins assister à 7 matchs en clair ! Parce qu’ensuite, il faudra attendre les JO pour revoir du hand sur des chaînes grand public.
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