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Martine Aubry, le 31 août dernier lors de la braderie de Lille.(Sipa)

Municipales à Lille : les 3 obstacles qui attendent Martine Aubry, candidate à un nouveau mandat

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Martine Aubry a annoncé jeudi soir qu'elle briguait un nouveau mandat à la tête de Lille, qu'elle dirige depuis 2001. Sur le papier, sa quatrième bataille municipale s'annonce comme la plus compliquée à remporter.

La surprise aurait été qu'elle n'y aille pas. Mais Martine Aubry a bien officialisé jeudi soir sa candidature à la mairie de Lille pour le scrutin municipal de mars prochain. "C'était une décision difficile à prendre mais je n'y vais pas le couteau dans le dos et en traînant les pieds", explique l'ancienne patronne du PS dans un entretien à La Voix du Nord. Dans la 10e ville la plus peuplée de France, qu'elle dirige depuis 2001 (elle avait été auparavant la première adjointe de Pierre Mauroy), Martine Aubry se lance donc dans un nouveau défi : obtenir un quatrième mandat consécutif. Celui-là sera peut-être le plus dur à remporter. Voici quelques éléments d'explications.

1 - Aubry doit expliquer son revirement

"Si je suis élue en 2014, ce sera mon dernier mandat", clamait Martine Aubry quelques mois avant sa réélection lors des précédentes municipales. C'était déjà dans La Voix du Nord et la socialiste a depuis répété cette intention, en la nuançant légèrement. "Je ne me représenterai pas... sauf catastrophe", déclarait-elle ainsi en 2015. Mais l'élue a ensuite fait valoir de nouvelles circonstances pour justifier la perspective d'une nouvelle candidature. Dans son entretien à La Voix du Nord, diffusé jeudi, elle fait de même : "J’avais considéré sain de partir après trois mandats. Mais je n’avais pas imaginé la situation de notre pays." 

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Car l'ancienne ministre de Lionel Jospin défend d'abord son choix par des considérations nationales. "Entre les inégalités sociales qui ne se sont pas arrangées, les catastrophes naturelles, le climat international angoissant, on sent que le pays est sous tension", explique la socialiste, qui veut répondre à ce "sentiment de vulnérabilité et d’inquiétude" par son "enthousiasme" et sa vision pour Lille. 

Il est probable que la maire soit amenée dans cette campagne à de nouveau s'expliquer sur cette rétractation. Ses adversaires politiques ne manqueront en tout cas pas de la lui rappeler. Reste à savoir quel sera le jugement des Lillois. En 2017, un sondage Ifop indiquait que 59% d'entre eux souhaitaient qu'elle laisse sa place à l'issue de ce mandat, contre seulement 34% qui étaient favorables à une nouvelle candidature.

2 - Le mandat de trop d'une maire sans successeur?

Prime à la sortante ou "dégagisme", lequel de ces deux phénomènes se vérifiera lors du scrutin municipal? Martine Aubry bénéficie d'une belle cote chez les Français - elle est la 2e personnalité politique préférée derrière Nicolas Hulot, selon le tableau de bord de l'Ifop pour Paris Match du mois de novembre - et son bilan dans la capitale des Flandres ne semble pas repoussoir, même si elle peut être contestée pour ses projets d'urbanisme peu écolo-compatibles et son impuissance à désenclaver certains quartiers.

Mais l'essoufflement guette une maire qui, si elle est reconduite, achèvera son mandat à 75 ans et aura dirigé cette ville pendant un quart de siècle. Un constat qui souligne, en creux, le fait qu'Aubry a pour l'heure échoué à préparer sa succession. En 2013, elle affirmait pourtant que la relève était "assurée". Un temps évoqué, son fidèle lieutenant François Lamy, qui avait quitté l'Essonne pour s'installer à Lille, a été stoppé net aux législatives de 2017 en recueillant moins de 10% des voix au premier tour (élection remportée ensuite par l'Insoumis Adrien Quatennens). Martine Aubry a également perdu l'unique premier adjoint qui l'a accompagné pendant 18 ans, Pierre de Saintignon, mort en mars dernier et dont la fonction est restée vacante. Quant à son deuxième adjoint et actuel "bras droit", comme elle le désigne, Walid Hanna, il a décidé de raccrocher à l'issue de ce mandat. 

3 - Une nouvelle donne politique qui menace le bastion socialiste

S'agissant des rapports de force politiques, le ciel s'est considérablement assombri pour Martine Aubry en l'espace de quelques années. Jusque-là, le bastion lillois semblait solide : elle avait été élue en 2001 avec 12 points d'avance (49,6% au deuxième tour à l'issue d'une triangulaire), puis réélue triomphalement en 2008 (46% au premier tour, 66,5% au second) et encore facilement en 2014 avec 52,05% des voix lors d'une nouvelle triangulaire (34,86% des voix au premier tour). A chaque fois, son principal concurrent était le candidat de la droite.

Depuis, le PS a été laminé, et son ancienne leader ne peut compter que sur son seul poids politique pour empêcher Lille de basculer. Sa ville s'est depuis ouverte à d'autres forces de la gauche, avec près de 30% des voix pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2017 et 21,7% pour EELV aux européennes de 2019, tandis que l'émergence d'En Marche est venue rebattre les cartes - 22% en mai, en tête du scrutin européen. Martine Aubry devra donc contenir ces poussées en mars prochain, où elle affrontera le conseiller municipal EELV membre de sa majorité, Stéphane Baly, et son ancienne directrice de cabinet, Violette Spillebout, qui a reçu l'investiture d'En marche sur fond de divisions internes.

La situation politique s'annonce également complexe pour Martine Aubry à la métropole lilloise. La "MEL" est aujourd'hui dirigée Damien Castelain, un sans-étiquette élu en 2014 avec les voix de la gauche et aujourd'hui visé par des affaires de corruption et détournement de fonds publics. Le jeu politique est plus flou dans cette intercommunalité qui dépend du résultat de ses 90 communes aux municipales. Mais elle pourrait être convoitée par l'actuel ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, ex-LR et candidat à Tourcoing.